Le quatre-cylindres anglais
Au début des 70's, les ang=lais doivent bien admettre que le quatre-cylindres est le moteur de l'avenir. Chez NVT, propriètaire de la marque Triumph, on étudie un peu en catastrophe une quatre-pattes. Mais il est trop tard et la Quadrant restera prototype. Essai de cette rareté "made in England"Avant les nouvelles Triumph de 1990, aucun grosconstructeur britannique ne s'était aventuré à produire une quatre-cylindres en ligne. En effet, BSA, Norton ou Triumph craignaient le coût prohibitif d'un tel moteur, tandis que les autres trouvaient que l'architecture était incompatible avec la maniabilité et la légèreté, les deux principales qualités d'une sportive anglaise. Mais ces concepts furent battus en brèche par la Honda CB 750 en 1969, puis la Kawasaki 900 Z1 en 1973.
A ce moment-là, l'industrie anglaise était au plus mal et sa survie dépendait du nouveau groupe formé par Norton, Villiers et Triumph : NVT, qui projetait de nouveaux modèles dont, inévitablement, un 4-cylindres en ligne.
L'unique prototype 1 000 cm3 fut nommé Quadrant. Au premier coup d'oeil, la moto ressemble à une 750 BSA ou Triumph 3-cylindres de 1968-1976, et ce n'est pas sur-prenant puisqu'elle a été développée sur cette base.
On a utilisé deux-tiers d'un embiellage, qui fut pris en sandwich entre deux autres tiers. Le vilebrequin est ainsi calé à 180°, et les pistons et bielles sont donc tout bonnement empruntés au moteur trois-cylindres. Deux blocs-cylindres et deux culasses furent "raccourcis" et soudés ensemble, le tout débouchant sur un échappement "4-en-1".
La transmission primaire est celle de la Rocket 3, avec chaîne primaire triplex, embrayage monodisque et boite à cinq rapports.
Essai du proto Mais, la 4-cylindres ne fut jamais produite, NVT connaissant de sérieux soucis financiers. Heureusement, la Quadrant survit toujours de nos jours et nous avons eu la chance de l'essayer. Une fois en selle, impression curieuse, le moteur dépasse largement à droite ; impression renforcée lorsqu'il faut relever la moto de sa béquille.
La clef de contact se trouve sous le réservoir à l'avant et sur la gauche... comme sur une Honda ! Après avoir ouvert le robinet d'essence, on "titille" les deux carburateurs ex-ternes et donne un petit coup de kick. Mais ce n'est pas suffisant : le coup doit être plus franc. Enfin, le 4-cylindres émet un glougloutement contenu digne d'une voiture.
Le starter peut alors être coupé (deux leviers sur les carburateurs), et le premier rapport enclenché en relevant son pied droit. Une fois en route, on n'a plus cette sensation de masse ou de déséquilibre. Les repose-pieds sont plus en arrière par rapport au 3-cylindres standard, sans pour autant être inconfortables.
L'embiellage est un assemblage bizarre : au centre les deux tiers
d'un vilebrequin de trident et de chaque côté un tiers supplémentaire
Cette photo prouve bien qu'il s'agit d'un proto, puisque le moteur
est décalé dans le cadre afin de passer deux échappements du côté droit.
Puissante ou coupleuse ?La puissance paraît un peu juste à bas régime, probablement à cause de l'imperfection de la carburation. Mais, au-dessus de 3 000 tr/mn, le problème disparaît. Sur routes principales, à pleine vitesse, la Quadrant est raisonnablement puissante. Le couple procure une accélération satisfaisante plutôt que bouleversante — et maintenir un 110 km/h de croisière, en cinquième, ne demande aucun effort. Mais finalement je trouve que le moteur a moins de personnalité qu'un 3-cylindres, tout en étant moins onctueux qu'un 4-cylindres japonais.
Rouler sur les routes de campagne sinueuses est un plaisir grâce à la souplesse à mi-régime même si, comme pour la Rocket 3, la béquille racle facilement dans les courbes à gauche. Mais la tenue de route est saine, mis à part une légère ondulation du guidon au moment de ralentir.
Le frein à disque est un honnête ralentisseur, mais il faut bien avouer qu'un deuxième disque n'aurait pas été de trop pour la conduite sportive. L'impression générale est celle d'une Grand Tourisme facile et coupleuse, finalement assez homo-gène. Un seul défaut mineur : le sélecteur dur à actionner.
Rouler sur une telle rareté est un excercice de style plus qu'un vrai test,
histoire de raviver nostalgie et regrets.
le frein avant est un mélange puisque le disque ne provient pas du même modèle
que l'étrier. Pas très efficace de toutes façons.
BilanSi un quatre-cylindres de la sorte avait été produit, un démarreur électrique, comme sur la Trident T160 de 1975, aurait été indispensable, tout comme un bouton de clignotants "droite-gauche" aurait été plus logique que le Lucas où il faut baisser ou remonter la manette. Mais n'oublions pas qu'il ne s'agit que d'un prototype.
La vraie question est la suivante : si la Quadrant est sympa pour rouler, aurait-elle fait un bon modèle de série ? A priori, pas avec ce moteur dans cette configuration, déséquilibré sur la droite. Doug Hele aurait également dû revoir sa copie en profondeur; et un plan de joint horizontal et un arbre à cames en tête auraient été le minimum pour lutter efficace contre les japonais. Forcément, cela aurait été plus coûté cher, ce que NVT ne pouvait simplement pas supporter.
Ligne anglaise épurée pour le tableau de bord très café racer des années soixante.
tentative avortée en raison de difficultés économiques de Triumph,
la Quadrant aurait eu à affronter une opposition sévère.