Jack Findlay était à la moto ce qu'Alexis Korner était au blues.
Une légende. Le pilote australien est décédé samedi soir à l'âge de
71 ans à son domicile de Vaucresson (Hauts-de-Seine), après deux
ans de souffrances.
«Jack était tout simplement un homme bien», pleure Ian
MacKay, un des témoins d'une époque où la course moto ressemblait à la conquête de l'Ouest. Les courses se disputaient alors sur route
avec une sécurité précaire. Et lorsqu'on enfourchait sa machine, on
n'était pas certain de revenir.
Le pilote au casque frappé d'un kangourou aura passé toute sa
carrière dans cet enfer d'huile et de cuir. Jack restera cet
éternel «pilote privé», sans réels moyens, se battant sur tous les
fronts et surtout contre l'Italien Giacomo Agostini, une des
premières stars du circuit, pratiquement imbattable à l'époque. Son
aventure extraordinaire a été immortalisée par Jérôme Laperrousaz
dans Continental Circus, un film consacré à Jack, tourné en 1969
et présenté au Festival de Cannes en 1971 avec une BO de Gong
(incluant notamment un Blues For Findlay ).
Mythiques. La passion de Jack Findlay pour la moto
est née dans son village de Mooroopna («eaux profondes» en
aborigène), à travers les magazines anglais qu'il dévorait avec des
mois de retard. Jack se nomme alors Cyril, travaille à la Banque
d'Australie et a l'intention de faire du foot australien :
«La banque était ouverte le samedi et je ne pouvais pas jouer,
j'ai donc choisi la moto.» Il emprunte le permis de son frère
John pour prendre une licence de pilote. Il juge aussi le prénom
Cyril trop efféminé. Désormais il s'appellera Jack.
En 1958, las de faire des kilomètres à travers ce continent
immense, ce fils de boulanger écossais quitte l'Australie pour
l'Angleterre, avec son épouse. La Norton achetée à crédit est en
cale. Un mois de voyage, 35 livres en poche, il se rend directement
à Birmingham, siège de l'usine Norton, mais trouve du boulot chez
BSA. Plus tard essayeur chez Dunlop, il pourra enfin se payer une
moto neuve et se lancer dans les Grands Prix de l'époque.
«La moto ne m'intéresse pas en dessous des 200
km/h», disait-il avec son sourire en coin
Pour survivre, Jack chasse les primes de départ aux quatre coins
de l'Europe. Les circuits s'appellent île de Man, Nürburgring, etc.
Des lieux mythiques et très dangereux. Un jour, en rentrant chez
lui, il découvre que sa première femme et son fils Gregory Ralph,
du nom de deux amis pilotes qui s'étaient tués sur l'île de Man,
sont repartis en Australie... (il épousera par la suite Dominique,
la veuve du pilote Georges Monneret). Le fiston retrouvera son père
en 1995:
«Un grand gaillard a frappé à ma porte,
mon coeur s'est arrêté. Comme je ne savais pas quoi dire j'ai
lancé : "Tu ne vas quand même pas m'appeler papa !"»
Bataille. Pour les pilotes plus anciens, Jack fait
figure de pionnier indéboulonnable. L'ancien champion du monde
l'Américain Randy Mamola le compare à
«un guerrier». Il ne désarmait jamais devant ses nombreuses
blessures et, à chaque fois, il repartait au front. Sa bataille sur
les circuits aura duré près de vingt ans, jusqu'en 1978 (date de sa
retraite sportive à 43 ans). Une longue carrière qui lui offre sa
plus belle victoire en 1973 lorsqu'il bat Barry Sheene au Tourist
Trophy de l'île de Man. Il attendait ça depuis quinze ans.
«Personne n'était jamais venu me voir, rappelait-il.
Là, en une journée, j'avais eu deux propositions de team
usines.» Il arrêtera sa longue carrière au Castellet, épuisé par
ses blessures.
«Ce jour-là, le directeur de course m'a dit : "Ecoute Jack, je
te donne la prime de départ, mais ne prends pas le départ !"» Et
Findlay n'est plus jamais reparti.
Essayeur chez Michelin (il a été le premier pilote à passer les
300 km/h), il restera dans le circuit jusqu'en 2002, en tant que
directeur technique. Bien qu'avare de mots, il laisse au monde de
la moto des images inoubliable
RIP